Huiles, beurre : assaisonnement et cuisson

Huiles, beurre : assaisonnement et cuisson

Quelle matière grasse pour quelle cuisson ? Certaines sont-elles dangereuses ? Matières grasses animales ou végétales ? À quelle température ? Enquête sur les matières grasses de notre alimentation.

« Ne pas cuire les margarines » ; « le beurre noirci est toxique » ; « friture égale gras trans » ; « en cuisson, rien ne vaut le saindoux ! »… Lorsqu’il s’agit de matières grasses et de cuisson, les consignes vont bon train. Pourtant, elles ne sont pas toutes exactes et il n’est pas toujours évident de faire le tri. Parfois, ce sont même les étiquettes des produits qui induisent en erreur !

 

Le point de fumée

L’une des clés de l’énigme est ce que l’on appelle le point de fumée. Il s’agit de la température à partir de laquelle on détecte de la fumée lorsque l’on chauffe une matière grasse. Lorsque cette température est atteinte ou dépassée, des produits nocifs, toxiques, voire cancérigènes apparaissent : benzopyrènes, acroléine… Des produits que l’on retrouve aussi dans la fumée de cigarette, les pots d’échappement ou les aliments trop grillés (barbecue, pain grillé…).

Le beurre est un exemple parlant : son point de fumée est particulièrement bas (de 120 à 150 °C selon les types de beurres), et c’est pourquoi il noircit si vite lorsqu’on l’utilise en cuisson. Le beurre clarifié, aussi appelé ghee ou ghî, est une bonne alternative : les matières grasses du beurre ont été séparées du petit lait (plus de lactose ni de caséine non plus), la partie du beurre résistant le moins bien à la chaleur. Ainsi transformé, le beurre peut être conservé plus longtemps et utilisé à températures beaucoup plus hautes puisque son point de fumée est passé à 252 °C.

Les mêmes paramètres de température font du saindoux et de la graisse de canard ou d’oie des matières grasses résistant bien à la cuisson. Mais le problème nutritionnel qui se pose avec les graisses animales est leur taux en acides gras saturés, associés à l’augmentation du cholestérol sanguin et donc au risque de maladies cardiovasculaires [1]. Le beurre par exemple, contient 60 à 65 % d’acides gras saturés pour 35 à 40 % d’acides gras insaturés. C’est là le deuxième paramètre essentiel dans le choix des matières grasses : la nature de leurs acides gras.

 

Quelles huiles privilégier ?

Il est communément conseillé de limiter la consommation de matières grasses animales et de préférer les huiles végétales généralement pauvres en acides gras saturés et riches en acides gras insaturés qui eux ont un effet bénéfique sur la santé cardiovasculaire. Sur le podium, on trouve l’huile d’olive et de colza, qui en contiennent plus de 85 %. Plus largement, on ira puiser des acides gras mono-insaturés (omégas 9) dans les huiles d’olive, d’arachide, de colza et de sésame, et des acides gras poly-insaturés dans les huiles de tournesol et de maïs pour les omégas 6, et dans les huiles de noix, de colza et surtout de lin pour les omégas 3. Par ailleurs, les huiles végétales peuvent aussi apporter d’autres ressources comme des polyphénols et des vitamines E et K. Seulement voilà, pour toutes bénéfiques qu’elles soient, les huiles végétales résistent souvent mal à la cuisson. Pour exemple, le point de fumée de l’huile de tournesol vierge est à 107 °C.

point de fumée

 

Raffiner pour mieux chauffer

Le raffinage devient donc, de fait, un paramètre important dans la résistance d’une huile à la chaleur. Pour exemple, une fois raffinée, l’huile de tournesol atteint son point de fumée à une température de 227 °C.  Il faut néanmoins savoir que plus on raffine une huile, plus on perd ce qu’elle contient de ‘bon’ en plus de la matière grasse, comme les polyphénols de l’huile d’olive.

L’inconvénient, c’est que la transformation des matières grasses pour les rendre plus stables ne s’arrête pas toujours au sacrifice de quelques nutriments. Les sources alimentaires principales des acides gras trans sont les aliments transformés contenant des huiles hydrogénées. Rappelons que les acides gras trans sont le côté obscur des acides gras insaturés. Issus de l’hydrogénation des huiles pour les rendre plus résistantes à la chaleur et à la conservation et modifier leur consistance, les acides gras trans nés de transformations industrielles sont particulièrement néfastes pour la santé [2]. Les acides gras trans naturels quant à eux, présents dans le beurre et les produits laitiers, ne seraient pas dommageables pour la santé cardiovasculaire [3].

 

Quid des margarines ?

On a longtemps montré du doigt les margarines, composées de diverses huiles végétales et d’eau et souvent saturées de gras trans. On arriverait à utiliser aujourd’hui des procédés de stabilisation qui évitent l’hydrogénation mais le manque d’information sur l’étiquetage est un frein évident au moment de l’achat. En théorie, elles peuvent être utilisées – non-hydrogénées – pour les cuissons au four et pour les cuissons à la poêle à basse température (entre 100 °C et 120 °C comme pour le beurre). Le problème étant que la température à la poêle monte facilement et il paraît compliqué de la mesurer systématiquement. Raison de plus pour rester vigilant.

 

L’huile de palme :

C’est la plus consommée et la plus polémique dans le collimateur des instances de santé publique. Parfois pour les mauvaises raisons. Contrairement à ce que l’on peut penser, elle n’est pas hydrogénée car elle contient assez d’acides gras saturés pour ne pas avoir besoin d’être solidifiée, ce qui la rend particulièrement stable à la cuisson, mêmesi elle perd par la même occasion les précieux caroténoïdes qu’elle contient. Si elle est montrée du doigt, c’est parce qu’elle est partout. C’est l’huile la plus consommée au monde, et surtout, la plus utilisée dans l’industrie agro-alimentaire.

Elle est présente dans presque tous les produits transformés, parfois dissimulée sur l’étiquette derrière « huile végétale », dont elle améliore le moelleux et la conservation, et ce sans compter tous les produits non alimentaires qui la comptent dans leur composition. Étant particulièrement riche en gras saturés (50 %), ce n’est pas le genre d’aliment que l’on souhaite consommer sans le savoir. Pourquoi est-elle autant utilisée ? Parce qu’on peut produire 6 000 L d’huile de palme à partir d’un hectare de plantation de palmier à huile, soit 6 fois plus que pour le tournesol, le colza et l’arachide [4], ce qui en fait un fléau environnemental en plus d’un problème de santé publique.

huile olive

En guise de conclusion, les matières grasses les plus intéressantes d’un point de vue nutritionnel sont celles qui sont le moins transformées et moins elles sont chauffées plus elles les conservent. Les corps gras doivent toujours être conservés dans du verre car les perturbateurs hormonaux contenus dans les plastiques migrent dans les graisses.

Lorsque l’on ne peut être sûr que les points de fumée sont respectés, le plus simple est encore d’éviter d’utiliser trop de matières grasses en cuisson et de les ajouter après cuisson, en assai- sonnement, pour ne se priver ni de leur goût, ni de leurs nutriments, et éviter tout risque qui serait lié à une utilisation inappropriée.

 

Références

[1] Mensink R et al. Effects of dietary fatty acids and carbo- hydrates on the ratio of serum total to HDL cholesterol and on serum lipids and apolipopro- teins: a meta-analysis of 60 controlled trials. am J Clin Nutr . 2003;77(5):1146-55.

[2] Wang Y et al. Current issues surrounding the definition of trans-fatty acids: implications for health, industry and food label. Br J Nutr. 2013 18:1-15.

[3] Motard-Béanger a, et al. Study of the effect of trans fatty acids from ruminants on blood lipids and other risk factors for cardiovascular diseases. am J Clin Nutr. 2008;87:593-599.

[4] Les lipides, nutrition et santé, Claude Leray, Lavoisier 2013.

 

Source

Nutrition Infos, mai 2013